Un même taux de croissance peut résulter de dynamiques économiques très différentes. Certaines économies privilégient l’accumulation de capital, d’autres misent sur l’innovation technologique ou la transformation des structures productives. Au sein d’un même pays, la nature de la croissance varie selon les secteurs, les périodes et les politiques publiques adoptées. Les déterminants de chaque type de croissance influencent durablement la trajectoire et la soutenabilité du développement économique.
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Comprendre la croissance économique : une notion aux multiples facettes
La croissance économique ne se résume pas à une vague impression de prospérité ambiante. Elle se chiffre, s’examine, fait débat sur les plateaux comme dans les amphithéâtres. Son principal thermomètre ? Le produit intérieur brut (PIB), qui additionne la valeur de tout ce qui est produit sur un territoire sur une période donnée. Le taux de croissance du PIB indique, année après année, le rythme auquel une économie avance… ou piétine. Mais derrière ce chiffre, la réalité s’avère bien plus nuancée : démographie, niveau de vie, mutations profondes du tissu productif, rien n’est figé.
François Perroux, référence incontournable des économistes français, rappelait la richesse du concept. La croissance ne consiste pas seulement à empiler des richesses. Elle implique la transformation des structures, l’amélioration des équipements, des changements parfois radicaux au sein de la société. Prenons la France : l’après-guerre a vu défiler des décennies d’expansion rapide, puis de ralentissements, soulignant la fragilité d’un modèle basé sur l’accumulation continue.
Au-delà de la simple addition de biens et services, l’élévation du niveau de vie n’est ni automatique, ni homogène. La croissance interroge jusqu’à la notion même de développement économique : les indicateurs macroéconomiques occultent souvent les écarts entre régions, secteurs ou catégories sociales. Un PIB qui grimpe peut cacher des fractures, ou masquer des laissés-pour-compte.
| Indicateur | Définition |
|---|---|
| Produit intérieur brut (PIB) | Valeur totale de la production de biens et services sur un territoire |
| Taux de croissance du PIB | Variation en pourcentage du PIB d’une année à l’autre |
| Niveau de vie | Quantité de biens et services disponibles par habitant |
La croissance économique, dans toute sa diversité, reste un pilier du débat public et de la réflexion académique. Qu’il s’agisse de sa mesure, de ses ressorts ou de ses conséquences, elle façonne le regard porté sur l’évolution des sociétés, en France comme dans l’ensemble du monde développé ou émergent.
Quels sont les principaux types de croissance économique ?
Penser la croissance économique, c’est distinguer des dynamiques qui n’ont rien d’identique. D’abord, la croissance extensive et la croissance intensive : deux logiques, deux modèles. L’une s’appuie sur l’augmentation de la quantité des facteurs de production, travail, capital, terres. On multiplie les machines, on élargit les effectifs, on étend les surfaces. Voici ce qui caractérise la logique d’accumulation, dominante au temps des révolutions industrielles.
Cette approche a ses limites, vite atteintes dès que l’on bute sur la rareté des ressources ou la saturation des marchés. C’est alors que la croissance intensive intervient. Ce modèle, au lieu d’ajouter des bras ou du capital, cherche à mieux utiliser ce qui existe déjà. Le moteur ? L’efficacité et le progrès technique. Joseph Schumpeter, pionnier sur la question, pointe le rôle central de l’innovation et des entrepreneurs dans la transformation des cycles économiques.
Plus récemment, la recherche s’est penchée sur la source du progrès technique : vient-il de l’extérieur (croissance exogène, selon Robert Solow) ou résulte-t-il de choix internes à l’économie (croissance endogène, théorisée par Paul Romer) ? Dans ce dernier cas, l’investissement en recherche et en éducation, le développement du capital humain, deviennent moteurs de la dynamique collective.
Voici un aperçu des grandes catégories de croissance :
- Croissance extensive : progression par accumulation de travail, de capital, d’infrastructures
- Croissance intensive : productivité accrue par le biais de l’innovation et du progrès technique
- Croissance exogène : avancées technologiques venues de l’extérieur du système productif
- Croissance endogène : innovation générée par l’effort de recherche, l’éducation, les choix économiques internes
Ces distinctions structurent la compréhension des trajectoires nationales, qu’il s’agisse de la France ou d’autres économies développées ou émergentes. Elles éclairent aussi les débats sur le modèle à privilégier pour répondre aux défis du XXIe siècle.
Facteurs déterminants : ce qui façonne la dynamique de la croissance
La mécanique de la croissance économique repose sur une combinaison subtile de facteurs de production : travail bien sûr, mais aussi capital, infrastructures, institutions et, de plus en plus, capital humain. Le rendement de l’ensemble dépend de la productivité, indicateur clé pour jauger la capacité d’une économie à progresser sans s’épuiser.
Face à la stagnation de la productivité du travail observée dans nombre de pays développés, l’innovation prend le relais. Progrès technique, robotisation, numérique, biotechnologies : ces avancées bouleversent la fonction de production et modifient en profondeur les équilibres. Edward Prescott met en avant la diffusion de ces innovations comme levier de gains de productivité, tandis que Daron Acemoglu et James A. Robinson rappellent le rôle fondamental des institutions : un environnement légal stable, des droits de propriété clairs, une gouvernance efficace créent un climat propice à l’investissement et à la formation de capital humain.
On peut regrouper les principaux déterminants de la croissance ainsi :
- Facteurs de production : travail, capital, capital humain
- Productivité : capacité à produire davantage avec les mêmes ressources
- Innovation : intégration de nouvelles technologies, évolution de l’organisation du travail
- Institutions : cadre légal, gouvernance, stabilité politique et économique
La manière dont ces éléments s’articulent façonne la trajectoire de chaque pays. Les différences de modèle montrent que la dynamique de la croissance dépend avant tout de la capacité à s’adapter, à transformer ce qui existe, à accompagner le changement par des choix politiques clairs.
Enjeux et limites : réfléchir à l’avenir de la croissance économique
La croissance économique ne va pas sans poser de sérieux défis. L’exploitation continue des ressources naturelles confronte les sociétés à la raréfaction du capital naturel et à des tensions inédites sur les biens communs. Pollution, réchauffement climatique, perte de biodiversité : autant de signaux d’alerte qui questionnent la soutenabilité du modèle dominant. Aujourd’hui, le débat porte moins sur le rythme de la croissance que sur sa capacité à durer, à répondre réellement aux besoins, sans condamner les générations futures.
Chaque hausse du PIB génère son lot d’externalités négatives, sur l’environnement, la santé, la cohésion sociale, que la technologie ou l’innovation ne suffisent pas toujours à compenser. Deux visions s’affrontent : la soutenabilité faible, qui mise sur la possibilité de remplacer le capital naturel par d’autres formes de richesse, et la soutenabilité forte, qui considère certains stocks naturels comme irremplaçables. La discussion reste vive, qu’on soit dans les bureaux des institutions internationales ou dans les laboratoires de recherche.
Quelques enjeux majeurs
Parmi les sujets qui dominent le débat, on retrouve :
- Préserver les ressources naturelles pour éviter l’épuisement du capital naturel
- Agir concrètement contre le réchauffement climatique
- Limiter les externalités négatives issues de la production de biens et services
- Faire le choix d’une croissance économique soutenable, conciliant développement et préservation des écosystèmes
Les crises récentes, financières, sanitaires, écologiques, ont mis en lumière l’incertitude qui entoure la capacité de la croissance à assurer un développement économique équitable. Dans un contexte où les cycles économiques deviennent plus imprévisibles et les chocs extérieurs plus fréquents, repenser la finalité de la croissance n’est plus une option : c’est un impératif pour qui veut imaginer l’avenir autrement. Quelles pistes saura-t-on explorer pour faire rimer progrès, équité et durabilité ?


